ARBITRAGE INTERNATIONAL

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ARBITRAGE INTERNATIONAL

«L’arbitrage international a pour objet le règlement de litiges entre les États par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit.» Cette définition de l’arbitrage, donnée par l’article 37 de la convention de La Haye du 18 octobre 1907 sur le règlement pacifique des conflits internationaux, est la plus précise et, comme telle, admise par la plupart des auteurs.

L’arbitrage s’affirme ainsi, par son assise consensualiste, comme la procédure la plus typique de la société relationnelle des États souverains. Ceux-ci, ne reconnaissant aucune règle autre que celles qu’ils ont établies ou acceptées, sont tout naturellement portés à ne tolérer d’autre intervention dans leurs différends que celle d’un tiers qui puisera sa compétence dans l’accord préalable des parties au litige.

Plus proche des formes de la procédure judiciaire de droit commun que du colloque diplomatique, l’arbitrage international suppose donc entre les États qui y recourent une certaine solidarité ou du moins l’adoption d’un minimum de langage juridique commun.

1. Développement historique

L’institution, fort ancienne, était déjà connue des Grecs ainsi que des Romains; elle s’est développée surtout à l’époque féodale et au Moyen Âge comme procédure de solution des conflits entre les princes. La structure pyramidale de la cité chrétienne, au sommet de laquelle se trouvait le pape, amenait tout naturellement les princes à le désigner comme arbitre, en raison de l’autorité qu’il détenait et de la dépendance hiérarchique des princes à son égard.

La pratique de l’arbitrage, en revanche, se raréfie à l’apparition des grandes puissances qui affirment la prédominance de la souveraineté de l’État. Leurs premières réactions témoignent d’un exclusivisme encore trop rigoureux pour qu’elles s’ouvrent à l’arbitrage.

Au XIXe siècle, cependant, les États-Unis et la Grande-Bretagne, à la suite de la guerre d’Indépendance et de la guerre de Sécession, donnèrent à l’arbitrage d’inspiration juridique un développement capital qui a tracé les grandes lignes modernes de l’institution. Cela n’est point dû au hasard. Le droit anglo-saxon est fondé sur la confiance. Il est donc normal que l’arbitrage se soit développé dans des litiges anglo-américains.

L’arbitrage dans les litiges anglo-américains

Le progrès apporté par ces arbitrages s’est accompli en deux étapes. La première a été marquée par la création de commissions mixtes, la seconde par la constitution d’un véritable tribunal arbitral.

Le traité Jay du 19 novembre 1794, signé par la Grande-Bretagne et les États-Unis, par lequel les Américains obtenaient le retrait des Britanniques des forts de l’Ouest et quelques petites concessions commerciales, a eu également pour objet de régler tout un contentieux qui subsistait entre les deux États. Il instituait trois commissions mixtes arbitrales avec un surarbitre. Elles ont fonctionné de 1798 à 1804. Leur composition (deux ou quatre commissaires représentant les parties et un tiers neutre) marque déjà un progrès vers l’arbitrage juridictionnel, mais il faut attendre l’affaire de l’Alabama pour que l’organe arbitral soit un véritable tribunal, composé de juristes indépendants dont les décisions, prises selon une certaine procédure préétablie, se fondaient sur des considérations juridiques et non politiques.

Le traité de Washington du 8 mai 1871 prévoyait un tribunal qui devait servir de modèle par la suite. Il s’agissait de régler un différend relatif à des dommages causés à la flotte fédérale américaine par l’Alabama, navire sudiste armé dans des ports anglais. Les États-Unis soutenaient que la Grande-Bretagne était responsable d’une part des dommages subis, mais aussi de la prolongation de la guerre de Sécession. Le tribunal organisé par le traité de Washington se réunit à Genève en 1872 et condamna l’Angleterre à payer une forte indemnité pour les dommages causés à la flotte américaine.

L’arbitrage tira un grand prestige de ces succès et, au début du XXe siècle, les milieux «internationalistes» lui attachaient un crédit considérable.

Les conférences de La Haye de 1899 à 1907

Les deux conventions de La Haye de 1899 et 1907 consacrent les trois premiers chapitres de leur titre IV au règlement de l’arbitrage. Le premier concerne la justice arbitrale en général; il fixe l’obligation, pour les arbitres, de juger conformément aux principes du droit et prévoit la multiplication par les puissances de traités généraux ou particuliers en vue d’étendre l’arbitrage obligatoire à tous les cas qu’elles jugeront possibles de lui soumettre. Le deuxième chapitre concerne l’organisation de la Cour permanente d’arbitrage dont les caractères essentiels sont qu’elle n’est ni une cour ni une institution permanente. Dotée d’un Conseil administratif et d’un Bureau international qui, établi à La Haye, lui sert de greffe, elle est constituée simplement par une liste d’arbitres qualifiés, parmi lesquels les États, éventuellement en litige, choisiront leurs juges. Le troisième chapitre concerne la procédure arbitrale.

La seconde conférence, en 1907, multiplia les efforts en vue de rendre l’arbitrage obligatoire. Dans sa résolution finale, elle est «unanime à reconnaître le principe de l’arbitrage obligatoire, à déclarer que certains différends, et notamment relatifs à l’interprétation et à l’application des stipulations conventionnelles internationales, sont susceptibles d’être soumis à l’arbitrage obligatoire sans aucune restriction».

Ce vœu fut en partie réalisé puisque de 1907 à la veille de la Première Guerre mondiale plus de soixante-dix traités bilatéraux consacrant le principe de l’arbitrage obligatoire ont été conclus.

Les conférences de La Haye avaient étudié de nombreux projets en vue de constituer une Cour de justice arbitrale véritable, mais il fallut, quinze ans plus tard, la fondation de la Société des Nations pour que soit établie à La Haye une Cour de justice permanente. L’arbitrage ne disparaissait pas.

L’arbitrage au temps de la S.D.N.

Les articles 12, 13 et 15 du pacte de la S.D.N. traitent de l’arbitrage, mais le recours à celui-ci n’est pas obligatoire. Ce sont les traités de paix qui ont donné un grand essor à l’institution en prévoyant que tous les différends, nés à l’occasion de la Première Guerre mondiale, et qui demeuraient en suspens, seraient réglés par lui. Dès lors, cette procédure allait se développer dans deux directions: l’arbitrage juridique avec les tribunaux arbitraux mixtes, l’arbitrage politique avec la tentative de l’Acte général d’arbitrage.

Les traités de Versailles, de Saint-Germain, de Trianon et de Neuilly créent toute une série de tribunaux arbitraux mixtes composés de trois membres: un national de chaque partie, sous la présidence d’un tiers neutre, dotés de secrétaires et ouverts aux agents représentant les États. Ils ont été chargés notamment de fixer les indemnités dues en vertu de l’article 297 aux ressortissants alliés atteints dans leurs biens, droit et intérêts par des mesures exceptionnelles de guerre. Leur abondante jurisprudence comporte des décisions de droit international privé; les particuliers avaient directement accès aux tribunaux.

L’Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux

Quant à l’Acte général d’arbitrage pour le règlement pacifique des différends internationaux, proposé comme modèle aux États, il comporte quatre chapitres, dont le premier est consacré à la conciliation, le deuxième au règlement judiciaire et le troisième notamment à l’arbitrage politique. L’article 38 prévoit la possibilité, pour les États, d’adhérer soit à l’ensemble du traité, soit seulement à un des quatre chapitres de leur choix. Signé par vingt-trois États, l’Acte général d’arbitrage est entré en vigueur le 16 août 1929, la plupart des signataires ayant accepté l’ensemble du traité à l’exception de la Suède et des Pays-Bas.

Le 28 avril 1949, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies adoptait une résolution proposée par la Belgique aux termes de laquelle les organes de l’O.N.U. étaient substitués à ceux de la S.D.N. dans les dispositions de l’Acte général. Il est entré en vigueur le 20 septembre 1950 sous sa forme nouvelle.

L’arbitrage depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale

Les traités de paix de 1947 ont prévu l’utilisation de l’arbitrage pour le règlement de certaines questions en suspens. Du point de vue formel, les organes constitués à cette occasion étaient des commissions de conciliation, mais la procédure suivie et le caractère des décisions en ont fait des juridictions arbitrales. D’autre part, la Commission du Droit international des Nations unies, reprenant l’œuvre codificatrice des conférences de La Haye, confiait à Georges Scelle le soin d’établir un rapport spécial sur l’arbitrage. En 1953, la Commission discutait le rapport, adoptait un projet de Convention sur cette procédure.

De leur côté, le 29 avril 1957, les États membres du Conseil de l’Europe adoptaient la Convention européenne pour le règlement pacifique des différends, qui, si elle généralise la clause facultative de juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice pour les différends d’ordre juridique, réserve l’arbitrage aux différends d’ordre politique.

L’arbitrage est particulièrement utilisé par les États pour résoudre des litiges de caractère technique. Les accords internationaux conclus dans divers domaines techniques ou économiques prévoient, en cas de différends issus de leur application, le recours à des juges choisis par les parties. Les États préfèrent en effet, à la fois par défiance à l’égard de la Cour internationale de justice et en raison de la nature particulière de ces conflits, s’en remettre à des arbitres de leur choix. C’est pourquoi les États relevant de régimes politiques, économiques et sociaux différents ne se retrouvent guère devant le prétoire de la Cour, mais recourent plus volontiers à des arbitrages. Par ailleurs, l’arbitrage entre États et personnes privées apparaît à l’occasion d’accords de concessions ou de relations commerciales entre des sociétés et certains États. Enfin, il convient de signaler, avec le développement des organisations internationales, la multiplication des arbitrages entre organisations ou entre organisations et personnes privées ou entre organisations et États. L’arbitrage apparaît ainsi comme une procédure très en vogue, admirablement adaptée, grâce à sa souplesse, à la société des États souverains, mais dotée d’une suffisante cohérence organique pour éviter les aléas qui pourraient résulter d’une procédure occasionnelle.

L’évolution historique de l’arbitrage le suggère: le volontarisme préside essentiellement à la saisine de l’arbitre, mais, d’autre part, la tendance vers une certaine juridictionnalisation du tribunal arbitral, loin de la rigidité d’une cour de justice, est remarquable.

2. L’arbitrage international, procédure consensuelle

Le volontarisme domine l’institution. Essentiellement de nature conventionnelle, l’arbitrage apparaît dans la tradition des États comme comportant une sorte de double contrat, celui par lequel les parties acceptent entre elles de soumettre un différend à l’arbitre et celui qui est conclu par elles avec le ou les arbitres, afin qu’ils se chargent du règlement des différends. Cette analyse, juridiquement discutable, exagère l’aspect contractualiste de l’arbitrage, mais elle répond à l’idée que la plupart des gouvernements se font de cette procédure, conception qui apparaît sur le plan de la saisine de l’arbitre comme sur celui des compétences qui lui sont conférées.

La saisine de l’arbitre

Psychologiquement, l’arbitrage est essentiellement, aux yeux des États, de nature contractuelle, d’où l’importance qui s’attache au compromis d’arbitrage qui fonde la compétence de l’arbitre ou du tribunal arbitral. La sentence arbitrale est alors rendue au nom de la souveraineté conjointe des États en litige. À l’inverse, un tribunal institué, et notamment la Cour internationale de justice, rend sa sentence pour le compte d’une collectivité internationale.

L’accord des États peut intervenir soit à l’occasion d’un litige particulier, soit à l’avance pour toute une catégorie de litiges futurs.

L’arbitre et le compromis

L’autonomie de la volonté des États apparaît aussi bien dans la forme du compromis que dans son contenu et sa force obligatoire.

Le compromis est un traité international. Conclu entre les États parties au litige, il peut néanmoins être ouvert à l’adhésion d’États tiers ou indirectement intéressés. Le contenu du compromis est assez variable; il a été conçu de manière différente au cours des diverses tentatives de codification et dans la pratique. La convention de La Haye de 1907 laissait aux parties une liberté entière pour y insérer ce qu’elles voulaient. Le caractère consensuel du compromis risque d’aboutir à une impasse que certaines dispositions conventionnelles s’efforcent d’éviter. Grâce à sa nature contractuelle, sa souplesse et la grande liberté que les États s’accordent pour le rédiger, le compromis reste le procédé le plus souvent adopté. Toutefois, l’accord de volonté des parties entraînant la saisine de l’arbitre peut avoir été établi non à l’occasion du litige mais antérieurement, sous la forme d’un engagement d’arbitrage obligatoire; il réduit alors le compromis au rang de simple formalité.

L’arbitre et les engagements d’arbitrage obligatoire

Les engagements préalables n’écartent pas la nécessité du compromis, mais ils rendent sa conclusion obligatoire pour les parties. Il convient de remarquer, d’ailleurs, que le consentement des États, qu’il apparaisse à l’occasion d’un compromis ou d’un engagement préalable, n’entraîne pas automatiquement la saisine des arbitres. Comme toutes les dispositions conventionnelles, ces engagements d’arbitrage provoquent parfois des difficultés d’application dont la Cour internationale de justice a eu à connaître, par exemple dans l’affaire Ambatielos, celle de l’interprétation des traités de paix avec la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie ou celle de l’Interhandel.

Le consentement préalable des États apparaît sous deux formes: d’une part, la clause compromissoire, incluse dans une convention bilatérale ou multilatérale, et, d’autre part, le traité général d’arbitrage obligatoire.

Les clauses compromissoires sont très nombreuses; on les trouve dans les traités les plus divers. Certaines, dites clauses compromissoires spéciales, sont incluses dans un traité et s’appliquent aux difficultés éventuelles d’exécution du traité lui-même. Pratiqué depuis le XIXe siècle, cet usage se retrouve dans les conventions du XXe siècle, comme les traités de paix de 1947, la Convention de Genève de 1958 sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer, les accords de Washington sur l’exploitation commerciale des satellites de télécommunication, le protocole du 28 août 1962 et la convention du 31 décembre 1962 entre la France et l’Algérie sur le transfert des biens publics, la convention de Bruxelles du 25 mai 1962 sur la responsabilité des exploitants de navires nucléaires, etc.

Sous forme de conventions bilatérales ou multilatérales, des traités d’arbitrage obligatoire ont été conclus dès le début du XXe siècle, ils se sont multipliés entre les deux guerres mondiales. Ce sont notamment le traité de Washington de 1890 entre les États-Unis et 17 États américains et le traité franco-britannique de 1903. Nicolas Politis signalait plus de 70 traités d’arbitrage obligatoire avant 1914. Après la Première Guerre mondiale, parallèlement aux traités bilatéraux d’arbitrage, apparaissent les traités multilatéraux avec l’Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux de 1928. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Assemblée générale des Nations unies a révisé l’Acte général le 28 avril 1949 pour l’harmoniser avec la Charte. Une vingtaine d’États seulement étaient liés par ces dispositions, mais, comme la plupart de ces signataires étaient également tenus par l’article 36 du statut de la Cour internationale de justice, il apparaît que l’Acte général ajoutait peu à leurs obligations, sauf peut-être en ce qui concerne la nature des différends, l’arbitrage étant alors réservé plutôt aux litiges d’ordre politique, ce qui n’a guère de conséquences, les États étant peu tentés d’y recourir pour ce genre de différends. En 1948, le pacte de Bogotá et en 1957 la Convention européenne instituent à leur tour l’arbitrage obligatoire. En vertu de la Convention européenne, entrée en vigueur le 30 avril 1958, «les hautes parties contractantes soumettront à la procédure arbitrale tous les différends visés à l’article 1er (c’est-à-dire autres que juridiques) et qui n’auraient pu être conciliés, soit que les parties soient convenues de ne pas avoir au préalable recours à la conciliation, soit que cette procédure n’ait pas abouti». En réalité, le recours à l’arbitrage demeure incertain, car la Convention de 1957 laisse aux États de multiples possibilités d’échapper aux obligations qu’elle contient par la possibilité d’adhésions fractionnées, de réserves, comme par le libre choix d’une autre procédure, prévue au chapitre IV.

Par la suite, l’accession à l’indépendance de certains États pouvant entraîner toute une série de litiges, leur règlement éventuel a été soumis par avance à une procédure d’arbitrage aux termes de conventions bilatérales (accord franco-algérien du 26 juin 1963, par exemple).

Ainsi, le consentement des États, occasionnel ou permanent, marque le caractère volontariste de l’arbitrage, caractère qui apparaît également dans le contenu des engagements qui déterminent le rôle et la compétence des arbitres.

Limite conventionnelle de la compétence des arbitres

Alors que le juge institué, même dans l’ordre international, peut régler lui-même les problèmes posés par les déterminations de sa propre compétence, l’arbitre, au contraire, reste, dans la tradition de l’arbitrage, peu indépendant à l’égard des parties; s’il s’interroge sur son droit à adopter telle ou telle attitude, il aura tout naturellement tendance à retourner devant les parties pour leur demander d’éclairer tel ou tel point du compromis qui a fixé sa compétence.

Arbitrage des conflits juridiques

Le compromis fixe généralement les règles de droit que l’arbitre doit suivre. Ainsi, dans le compromis signé à Washington le 8 mai 1871, les États-Unis et la Grande-Bretagne, à l’occasion de l’affaire de l’Alabama , précisaient un certain nombre de règles relatives aux droits et devoirs des États neutres en cas de guerre maritime. De nombreux autres compromis contiennent des références à certaines règles de droit. Dans l’affaire de l’Attilio Regolo, entre l’Espagne, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Italie, l’accord d’arbitrage conclu le 29 décembre 1944 stipule que le litige doit être réglé sur la base de l’article 19 de la convention XIII de La Haye. Il en est de même pour l’accord franco-algérien du 26 juin 1963 en matière d’arbitrage pétrolier.

Le compromis peut également laisser à l’arbitre une certaine latitude dans le choix du droit applicable. Par exemple, dans l’affaire de l’Aramco, soumise à l’arbitrage en 1955, l’article 4 du compromis stipulait: «Le tribunal arbitral tranchera ce litige: a ) conformément au droit arabo-saoudite tel qu’il est défini ci-après dans la mesure où il s’agit de questions rentrant dans la juridiction de l’Arabie Saoudite; b ) conformément au droit que le tribunal jugera applicable dans»... le cas contraire.

Arbitrage des conflits techniques

Dans la tradition arbitrale, il arrive que les parties reconnaissent à l’arbitre le pouvoir de statuer en équité dans des domaines techniques, ce qui aboutit à confier à l’arbitre un pouvoir de réglementation. On cite volontiers, comme exemple classique de cet arbitrage réglementaire et non plus judiciaire, l’arbitrage intervenu dans l’affaire des phoques de la mer de Béring. Dans la célèbre affaire de la Consolitated Mining Smelting Company de Trail entre les États-Unis et le Canada en 1931, l’arbitre a dû notamment édicter des règles pour empêcher les fumées toxiques produites par une fonderie située en territoire canadien de continuer à polluer le territoire voisin des États-Unis.

Le recours à cette sorte d’arbitrage se trouve étendu dans diverses autres conventions. Dans la Convention de 1958 sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer, on trouve tout un système d’arbitrage technique et réglementaire. Un tel conflit n’est pas exclusivement juridique, il s’agit d’élaborer la meilleure réglementation, propre à sauvegarder telle espèce menacée de disparition. On retrouve cette forme d’arbitrage dans l’accord de Londres du 6 octobre 1965 conclu entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas et relatif à l’exploitation des nappes géologiques qui s’étendent à travers la ligne de séparation du plateau continental sous la mer du Nord. La possibilité de statuer en cas de lacune ou de silence des textes est également prévue dans l’accord franco-algérien du 26 juin 1963 en matière d’arbitrage pétrolier.

Ce développement de l’arbitrage technique et la recherche par l’arbitre de solutions transactionnelles pour le règlement des différends se manifestent aussi dans les organisations intergouvernementales de caractère non politique. Un des exemples les plus caractéristiques est celui de l’Union postale universelle. L’article 31 de la convention de celle-ci dispose que lorsqu’un litige survient entre deux ou plusieurs États membres concernant l’interprétation de la convention et des arrangements ainsi que des règlements d’exécution ou de la responsabilité dérivant, pour une administration postale, de l’application de ces actes, la question est réglée par jugement arbitral. Dans ce cas, l’Organisation internationale fait intervenir non les juristes, mais des techniciens des problèmes postaux, chacun des arbitres désignés par les parties est une administration postale d’un membre de l’Union qui n’est pas intéressé dans le litige. Le Bureau international peut fournir, à cette occasion, un avis qui évoque une manière de rapport de conciliation.

Un tel arbitrage est pratiqué également par les organisations financières internationales. L’Organisation internationale du commerce pourrait l’utiliser; prévu dans le cadre des institutions spécialisées comme l’U.N.E.S.C.O., l’Union internationale des télécommunications, l’O.A.C.I., il fut ainsi introduit dans la convention d’association de Yaoundé entre la C.E.E. et les dix-huit États africains et la République malgache.

Enfin, l’arbitrage de Sa Majesté britannique dans le conflit frontalier entre l’Argentine et le Chili a fait appel à des géographes pour résoudre une question qui reposait essentiellement sur des données géographiques et topographiques. Le tracé établi par la sentence semble avoir été guidé beaucoup plus par des considérations d’équité que par la volonté d’application stricte du droit.

L’arbitre investi de pouvoirs normatifs

En plus de pouvoir d’amiable compositeur, l’arbitre s’est vu parfois confier des pouvoirs normatifs. Dans cette hypothèse, l’arbitre n’est pas chargé de dire le droit, mais de créer les normes applicables à l’avenir.

Le fameux chapitre III de l’Acte général d’arbitrage aboutissait, en des termes ambigus, à confier au tribunal arbitral un véritable pouvoir de révision du droit; en réalité, c’était lui conférer une fonction législative. On ne saurait s’étonner, dans ces conditions, que ces dispositions n’aient jamais été appelées à jouer. Cependant, un tel pouvoir semble également accordé à l’arbitre par la Convention européenne de 1957. Celle-ci souhaite que soient réglés tous les différends, tant juridiques que non juridiques, soit que la règle de droit n’existe pas, soit qu’il faille la changer. Dans les deux cas, l’arbitre doit statuer en dehors du droit existant et, ainsi, jouer un rôle semblable à celui qui est réservé au législateur en droit interne.

La Commission du droit international a refusé dans son projet de convention de faire d’un tel pouvoir un principe. Quoi qu’il en soit, cette extension de la mission des arbitres n’est certainement pas sans avoir exercé une part d’influence sur la tendance à entourer de garanties organiques et fonctionnelles une procédure qui, tout en conservant ses bases consensuelles, se voit ainsi pourvue de certains des traits de la juridiction.

3. Juridictionnalisation de l’arbitrage

L’existence de la Cour internationale de justice a exercé un ascendant sur l’arbitrage, mode de règlement quasi judiciaire des différends. On assiste, en effet, à une institutionnalisation de l’arbitrage et à un accroissement de l’autonomie de l’arbitre, à l’image du modèle juridictionnel, tant sur le plan organique que sur le plan fonctionnel.

L’indépendance organique de l’arbitre

L’évolution vers l’autonomie organique s’est faite dans deux directions principales; d’une part, les parties ont recherché des arbitres ayant des qualifications techniques plutôt qu’un prestige politique; d’autre part, de nombreuses tentatives ont été faites pour rendre l’institution permanente.

La constitution du tribunal

L’institutionnalisation de l’arbitrage a été marquée par l’établissement de règles relatives à la constitution matérielle du tribunal et aux choix des arbitres.

Ainsi le problème posé par la tendance qu’ont les plaideurs à se dérober devant l’obligation de désigner l’arbitre a été abordé par les conventions internationales et par la jurisprudence. La convention de La Haye de 1907 organise la désignation de l’arbitre dans le cadre de la Cour permanente d’arbitrage en cas de défaillance d’une ou des deux parties et dans l’hypothèse d’un refus de désigner un membre du tribunal sur la liste générale des membres de la Cour. Dans ce cas, chaque puissance en conflit nomme deux arbitres dont un seulement peut être son national ou choisi parmi ceux qui ont été désignés par elle comme membres de la Cour permanente. Ces arbitres choisissent ensemble un surarbitre. En cas de partage des voix, le choix du surarbitre est confié à une puissance tierce. Enfin, si l’accord ne s’établit pas à ce sujet, chaque partie désigne une puissance différente et le choix du surarbitre est fait de concert par les puissances ainsi désignées.

Le refus de désigner un arbitre et d’appliquer par là une clause compromissoire a été étudié par la Cour dans ses avis de mars et juillet 1950 sur l’interprétation des traités de paix du 10 février 1947 signés par la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie. Ces textes prévoient notamment l’observation des Droits de l’homme et la soumission des différends éventuels entre les trois gouvernements et les grandes puissances signataires à des commissions de trois membres: deux représentants nationaux et un tiers membre désigné par les premiers ou, à défaut, par le secrétaire général des Nations unies. Des difficultés ayant surgi entre les trois pays, d’une part, les États-Unis et la Grande-Bretagne, d’autre part, et les premiers ayant refusé de désigner leurs représentants dans les commissions, l’Assemblée générale des Nations unies adopta, le 22 octobre 1949, une résolution demandant un avis à la Cour internationale de justice. Dans une première réponse du 30 mars 1950, la Cour déclara que les traités ayant prévu que tout différend serait soumis aux commissions «à la requête de l’une ou l’autre des parties», il en résulte que chacune d’elles est tenue, à la requête de l’autre, de coopérer à la constitution d’une commission, notamment en désignant un représentant, faute de quoi la procédure prévue manquerait complètement son but. Cependant, dans le second avis du 18 juillet 1950, la Cour a déclaré que le refus par un État de désigner l’arbitre de sa nationalité n’autorisait pas le secrétaire général de l’O.N.U. à désigner le tiers membre sur la demande de l’autre partie.

La Cour interprète donc la volonté des parties de façon stricte, mais elle confirme l’obligation de désigner l’arbitre.

L’importance de ce choix tient essentiellement au fait qu’il est le critère fondamental de distinction entre l’arbitrage et la juridiction. C’est de la double condition de l’autorité et la qualification des arbitres que dépendra l’effet de la sentence. Trois systèmes ont été utilisés dans la pratique.

L’arbitrage par chef d’État est la forme la plus ancienne, les exemples sont nombreux. Les plus célèbres sont ceux du roi de Prusse Frédéric Guillaume IV entre la France et la Grande-Bretagne dans l’affaire Portendick, du président des États-Unis Grant entre la Grande-Bretagne et le Portugal dans l’affaire du Bulama, du roi d’Italie entre la Grande-Bretagne et le Brésil en 1904 et entre la France et le Mexique pour l’affaire de l’île Clipperton en 1931. En 1960, la Cour a eu à connaître d’une sentence rendue par le roi d’Espagne en 1906. Enfin, Élisabeth II rendait sa sentence, en 1966, dans le différend frontalier entre l’Argentine et le Chili.

Ce système de justice par les pairs n’est pas sans inconvénient: le souverain peut se prononcer par intérêt politique ou en fonction d’un problème analogue auquel il se heurte lui-même. En revanche, le système présente l’avantage d’assurer à la sentence une autorité assez grande et une éventuelle inexécution constituerait une atteinte à la dignité du monarque qui l’a signée. Dans cette même catégorie d’arbitrage il faut placer celui qui est demandé non plus à un homme, mais à un corps. Ainsi a-t-on fait appel au sénat de la ville de Hambourg ou au Conseil fédéral suisse. La qualification et l’indépendance sont alors peut-être plus grandes. Toutes ces pratiques témoignent du besoin, dans une société dépourvue de toute autorité transcendantale propre, de suppléer par le prestige de l’arbitre à cette déficience institutionnelle caractérisée.

L’arbitrage par commissions mixtes apparaît dans les traités Jay de 1794. Les commissions comprenaient à l’origine un ou deux arbitres pour chacune des parties. Les arbitres désignaient à leur tour un tiers membre, le surarbitre. Mais celui-ci appartenait également à l’une ou à l’autre des nations représentées. L’indépendance du surarbitre s’est affirmée lorsque s’est imposée l’obligation de le choisir d’une nationalité étrangère à celle des autres arbitres. Cette obligation a été consacrée par la convention de La Haye de 1907, créant la Cour permanente d’arbitrage. Le système a été repris en 1947 dans les traités de paix avec l’Italie, la Bulgarie, la Finlande, la Roumanie et la Hongrie, qui ont créé des commissions dites de conciliation, mais qui ont fonctionné comme juridictions arbitrales, ayant un pouvoir de décision. Si la convention européenne de 1957 n’adopta pas le système des commissions arbitrales, on le retrouve dans la convention du 8 juillet 1965 relative au commerce de transit des pays sans littoral dont la commission comprend trois membres, le président étant compris dans l’organe d’arbitrage dès l’origine, ce qui évoque finalement la constitution du tribunal arbitral.

Le tribunal arbitral, en effet, est composé soit d’un juge unique, soit d’un nombre impair d’arbitres choisis par les parties; c’est un organe ad hoc.

Les États ont eu recours à un véritable tribunal pour la première fois dans l’affaire de l’Alabama . Le compromis du 5 mai 1871 instituait un tribunal de cinq membres dont la majorité était faite de ressortissants d’États tiers, ce qui lui assurait impartialité et indépendance. Les conventions qui suivirent ont consacré ce principe. L’Acte général d’arbitrage et la convention européenne de 1957 disposent que le tribunal comprendra, sauf accord contraire, cinq membres dont deux seulement seront choisis parmi les nationaux respectifs des États parties au différend. Dans la pratique, on a fait appel à un certain nombre de tribunaux arbitraux composés de cette manière; ainsi dans l’affaire Ambatielos entre le Royaume-Uni et la Grèce (compromis du 24 février 1955), dans l’affaire de l’oasis de Bouraïmi entre le Royaume-Uni et l’Arabie Saoudite (compromis du 30 juillet 1954), dans l’affaire du lac de Lanoux entre la France et l’Espagne (compromis du 19 novembre 1956), etc. Dans l’affaire de la frontière entre l’Argentine et le Chili dont la sentence a été rendue par la reine Élisabeth II le 9 décembre 1966, l’arbitrage a été préparé par un tribunal arbitral de trois membres britanniques, présidé par lord McNair. Dans le cadre de la Cour permanente d’arbitrage, qui se réduit essentiellement à une liste de juges et un greffe à La Haye, peut être institué un tribunal de cinq membres dont deux arbitres seulement peuvent être nationaux des parties.

L’indépendance du tribunal est donc essentiellement garantie par le choix d’arbitres ressortissants d’États tiers, mais son autonomie résulte tout autant de leur qualification. La convention de La Haye précise que les parties doivent désigner des arbitres «d’une compétence reconnue dans les questions de droit international, jouissant de la plus haute considération morale». En pratique, les parties choisissent des juristes ou des diplomates. Et c’est en définitive surtout dans son statut juridique que l’arbitre puise les éléments d’une certaine autonomie.

Le statut juridique du tribunal

La permanence de l’organe arbitral, une fois institué, et la reconnaissance d’immunités à ses membres garantissent leur indépendance.

La permanence ou plutôt la persistance organique, en dépit des rétractations ultérieures, apparaît rapidement dans l’histoire de l’arbitrage comme une condition fondamentale du fonctionnement d’une procédure qui tend à épouser certains des traits de la juridiction. En effet, il arrivait que des États, désireux d’éviter une sentence qui leur semblait devoir être défavorable, décidassent, en cours d’instance, de retirer l’arbitre ou de le contraindre à la démission.

En 1875, l’Institut de droit international s’était préoccupé de cette question. Le règlement stipulait que toute décision serait prise par la majorité des arbitres, même dans le cas où l’un ou quelques-uns des arbitres refuseraient d’y prendre part. La doctrine demeure cependant divisée sur la validité de cette solution. D’autres conventions ont préféré organiser le remplacement du défaillant afin d’assurer la permanence de l’organe arbitral et d’éviter les contestations ultérieures. C’est le cas de la convention européenne de 1957. Celle-ci a proposé, dans son projet, l’application par les États de la règle suivante: «Le tribunal une fois institué par l’accord des parties, ou par les procédures subsidiaires ci-dessus indiquées, il n’appartient plus à aucun des gouvernements en litige d’en modifier la composition. En cas de vacance d’un siège, pour des raisons indépendantes de la volonté de ceux-ci, il est procédé au remplacement de l’arbitre selon le mode prévu pour sa nomination.»

Les arbitres bénéficient, d’autre part, de certaines immunités destinées à accroître leur autonomie. La convention de La Haye dispose que «les membres du tribunal dans l’exercice de leurs fonctions et en dehors de leur pays jouissent des privilèges et immunités diplomatiques». Des dispositions analogues furent incluses dans la convention sur les relations entre les trois puissances et la république fédérale d’Allemagne.

Cette indépendance organique de l’arbitrage favorise du même coup la tendance à la juridictionnalisation sur le plan fonctionnel.

L’indépendance fonctionnelle de l’arbitre

Il convient de remarquer d’abord que la coutume reconnaît traditionnellement à l’arbitre de larges pouvoirs pour statuer sur sa propre compétence. Cette compétence est consacrée par l’article 73 de la convention de La Haye et par la jurisprudence. L’autorité fonctionnelle de l’arbitre apparaît essentiellement dans le caractère obligatoire de la sentence et dans l’organisation de voies de recours à son encontre.

Caractère obligatoire de la sentence arbitrale

La convention de La Haye de 1907 consacre ce caractère dans l’article 37 qui dispose: «Le recours à l’arbitrage implique l’engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence.» De nombreux traités d’arbitrage rappellent ce principe: le règlement de la commission de conciliation franco-italienne, le traité anglo-suisse de 1965, la charte du tribunal des traités de Bonn en 1952 et de Paris en 1954, etc. La Commission du droit international a consacré le principe en précisant que la sentence n’a qu’une autorité relative et ne lie pas les États tiers. Dans la convention européenne, l’article 39 stipule qu’au cas où une des parties n’accepterait pas le caractère obligatoire de la sentence le Comité des ministres du Conseil de l’Europe pourrait faire des recommandations. Ainsi est-il fait appel à une organisation internationale: il s’agit d’accroître l’efficacité de la procédure classique.

Cette autorité de la chose jugée a essentiellement pour conséquence de dessaisir l’arbitre et de poser le problème de l’exécution de la sentence. L’obligation d’exécuter la sentence résulte des dispositions de l’article 37 de la convention de La Haye, reprise par de nombreuses conventions, confirmée par la Cour permanente de justice internationale dans son arrêt du 15 juin 1939 (Société commerciale de Belgique); on la retrouve également dans le «Modèle de règles» de la Commission du droit international, selon lequel la sentence doit être exécutée immédiatement, sauf si le tribunal fixe un délai.

En pratique, le refus d’exécuter est rare lorsque l’arbitrage a pour origine un compromis, il est plus fréquent lorsque l’arbitrage résulte d’un engagement d’arbitrage obligatoire.

Les voies de recours

Elles n’étaient pas ouvertes à l’origine en raison du caractère diplomatique de l’arbitrage, notamment en raison de l’atteinte à la dignité des souverains qu’aurait constituée un recours contre la sentence d’un chef d’État. Mais, progressivement, la juridictionnalisation de l’arbitrage a permis d’envisager la possibilité d’interprétation et de révision de la sentence suivant qu’elle est entachée de vices de procédure, que l’arbitre a été irrégulièrement désigné, a commis un excès de pouvoir flagrant ou a été corrompu, que l’accord d’arbitrage est nul ou que les parties ont commis des fraudes.

Le recours en interprétation n’est pas à proprement parler un recours contre la sentence, c’est plutôt une procédure de confirmation. La convention de La Haye de 1907 la prévoit à l’article 82: «Tout différend qui pourrait surgir entre les parties concernant l’interprétation et l’exécution de la sentence sera (sauf stipulation contraire) soumis au jugement du tribunal qui l’a rendue.» L’affaire de frontière entre l’Argentine et le Chili, pour laquelle Sa Majesté britannique a rendu la sentence du 9 décembre 1966, consistait essentiellement en une interprétation de la sentence de 1902 rendue par l’arrière-grand-père de la reine Élisabeth II dans la même affaire. Il s’agit bien formellement d’un recours au même arbitre que celui qui avait rendu la première sentence: le gouvernement britannique.

Si, au contraire, le tribunal est dans l’impossibilité matérielle de statuer de nouveau, la pratique fait appel à un tribunal international préconstitué. C’est la solution retenue par l’Acte général d’arbitrage et la Commission du droit international. Le Modèle des règles dispose: «Tout différend qui pourrait surgir entre les parties concernant l’interprétation et la portée de la sentence sera, à la requête de l’une d’elles et dans un délai de trois mois à dater du prénoncé de la sentence, soumis au tribunal qui a rendu la sentence. Au cas où, pour une raison quelconque, il serait impossible de soumettre le différend au tribunal qui a rendu la sentence, et si, dans ledit délai, un accord n’est pas intervenu entre les parties pour une autre solution, le différend pourra être porté devant la Cour internationale de justice, à la requête de l’une des parties...»

Lorsque intervient un fait nouveau «de nature à exercer une influence décisive sur la sentence et qui lors de la clôture des débats était inconnu du tribunal lui-même», la convention de La Haye de 1907 admet que les parties puissent demander la révision de la sentence au tribunal qui l’a rendue. Mais une telle révision n’est possible que si elle a été prévue dans le compromis. À la vérité, on touche ici à la limite où se rencontrent le fondement consensualiste de l’arbitrage et la tendance à la juridictionnalisation. L’accord des parties a été exigé par la C.P.J.I. en 1923 dans l’avis consultatif du 6 décembre 1923 (affaire de Jawaorzina) pour permettre à l’arbitre de «modifier la sentence en la révisant».

Le recours en appel consiste à réexaminer l’affaire et vérifier si l’arbitre a bien ou mal jugé. La doctrine en a admis de façon quasi unanime le principe; elle demeure divisée sur la procédure et l’étendue de tels recours. Les applications sont relativement peu nombreuses. On cite traditionnellement l’exemple de l’accord de Paris du 28 avril 1930 entre, d’une part, la Hongrie et, d’autre part, la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie, selon lequel les parties pouvaient faire appel des décisions rendues par les tribunaux arbitraux mixtes devant la C.P.J.I. Celle-ci a été saisie de deux appels en vertu de cet accord (affaire Université Peter Pazmany du 15 décembre 1933 et affaire Pajzs, Csaky, Eszterhazy du 16 décembre 1936). Par la suite, diverses conventions ont organisé l’appel de décisions d’arbitrage: l’accord de Londres de 1953 sur les dettes extérieures allemandes, les accords de Bonn de 1952 et de Paris de 1954 organisant un tribunal (charte annexée à la convention sur les relations entre les trois puissances et la R.F.A.) devant lequel pouvaient être portées les contestations relatives à la compétence de divers organes judiciaires, notamment de la Commission arbitrale sur les biens, droits et intérêts en Allemagne. Le tribunal peut être saisi après décision définitive. Enfin, il convient de signaler la convention de Chicago de l’Organisation aéronautique civile internationale qui prévoit un recours, devant la Cour de La Haye ou un tribunal arbitral ad hoc, des décisions du Conseil de l’O.A.C.I. statuant comme instance arbitrale. Mais, dans cette hypothèse, on se trouve dans le cadre d’une organisation internationale et il est techniquement et politiquement plus aisé d’aménager une telle procédure avec le concours de la Cour, organe judiciaire des Nations unies.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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